Flash info : Le « forfait patient urgences » : fin de la gratuité ou tarifs modifiés ?

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Le 23 octobre 2020, l’Assemblée nationale votait en faveur de la mise en place d’un « forfait patient urgences », proposé dans le cadre de la Loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) 2021.

Applicable à compter du 1er janvier 2021, cette mesure a vocation à remplacer l’ancien ticket modérateur laissé à la charge du patient pris en charge aux urgences sans hospitalisation subséquente.

Le « forfait patient urgences » a pu être décrit comme mettant fin à la gratuité du passage aux urgences… Pourtant il n’en est rien.

Les urgences gratuites : une idée reçue

L’article L. 160-13 du code de la sécurité sociale prévoit la participation de l’assuré aux frais occasionnés par un passage aux urgences non suivi d’une hospitalisation au sein de l’établissement.

Cette participation se traduit actuellement par un « forfait accueil et traitement aux urgences », dit « forfait ATU », mis en place en 2003.

Pour beaucoup, ce passage aux urgences est gratuit et ce pour une raison simple : le patient débourse rarement un euro de sa propre poche. En effet, 80% du coût des soins réalisés effectivement sont couverts par l’Assurance Maladie. Les 20% restants constituent le ticket modérateur, en théorie laissés à la charge du patient, en pratique pris en charge la plupart du temps par les complémentaires santé.

C’est ce système qui sera remplacé, dès janvier 2021, par le « forfait patient urgences ».

Le forfait patient urgence : quels changements ?

Le ticket modérateur sera remplacé par un forfait unique s’élevant à 18 euros pour tout passage aux urgences sans hospitalisation, c’est-à-dire quel que soit le motif de la visite. Il s’agit là d’une première différence avec le ticket modérateur : le montant ne varie pas selon les actes médicaux réalisés.

Une modification des cas d’exonération totale jusque-là applicable au forfait ATU (article L. 160-14 du code de la sécurité sociale) a été particulièrement décriée. En effet, l’exonération du ticket modérateur appliquée habituellement aux patients en affection longue durée (ALD) et aux titulaires d’une pension d’invalidité devient un forfait minoré, d’une somme de 8 euros.

L’exonération totale appliquée aux femmes enceintes est maintenue à compter du sixième mois de grossesse ainsi que pour les nouveau-nés durant 30 jours.

Les mineurs victimes de violences sexuelles, les victimes d’actes de terrorisme ainsi que les patients pris en charge en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel, notamment aujourd’hui les cas de Covid-19, bénéficieront également de cette exonération totale.

Les objectifs poursuivis

Le ticket modérateur présente le désavantage de creuser les inégalités selon la possibilité ou non pour le patient de faire appel à sa complémentaire santé.

En effet, si une majorité de patients disposait d’une complémentaire santé suffisamment efficace pour donner des airs de gratuité à sa prise en charge, pour d’autres le reste à charge pouvait être significatif. Ainsi, d’après les indications de la Direction Générale des Offres de Soins (DGOS), un reste à charge supérieur à 30 euros est applicable pour 10% des patients.

Un forfait unique permettrait alors de rayer cette différence.

Cependant, l’objectif premier de cette mesure réside avant tout en un désengorgement des urgences. En effet, ce forfait unique vise à inciter les patients à se tourner avant tout vers la médecine de ville, avant de recourir aux urgences.

Une des autres vertus recherchées de cette mesure serait de minimiser et simplifier le travail de facturation des professionnels de santé. A cet égard, la représentante de France Assos Santé au conseil de l’assurance maladie, Féreuze AZIZA, indiquait que cette mesure serait avant tout une « mesure de simplification, qui facilitera la facturation pour les établissements », un enjeu déjà souligné par le rapporteur général Thomas MESNIER.

Qu’en est-il du bénéfice financier attendu pour les établissements de santé ? Le ministre de la Santé Olivier VERAN indiquait que « l’intérêt n’est pas financier mais de mobiliser du personnel à l’hôpital pour faire autre chose que de la facturation ». Il peut cependant être souligné que des gains importants peuvent être attendus. En effet aujourd’hui les urgences atteignent un taux de recouvrement des factures d’à peine 30%, une telle mesure permettrait d’augmenter significativement ce taux.

Les conséquences redoutées

Beaucoup ont décrié la suppression des causes d’exonération concernant les femmes enceintes et les patients souffrant d’affections de longue durée. En ce sens, le député François RUFFIN a exprimé son inquiétude vis-à-vis de l’éventuel « obstacle aux soins » que ce forfait pourrait susciter pour les personnes en difficultés financières.

Le rapporteur général Thomas MESNIER a répondu à cette inquiétude en indiquant qu’outre sa prise en charge par les complémentaires santé des particuliers, ce forfait serait également couvert par la complémentaire santé solidaire ou encore l’aide médicale d’Etat pour les sans-papiers.

Bien que cette mesure suscite de nombreuses inquiétudes, il est important de rappeler que la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 est actuellement en nouvelle lecture devant l’Assemblée nationale. Elle peut donc encore subir des modifications jusqu’à son vote définitif.